Femme de tête ?

Réflexes !

Une lecture extraite des choix fait par l'auteur : El Lobo


Couverture

Vous êtes Elodie, 26 ans. Une sportive de haut niveau. Votre spécialité ? Le TerranFlying, voler avec une combinaison, des ailes sous les bras, comme un écureuil volant.

§1

Allez, monte.


Monte encore, plus haut, encore plus haut.


Vous regardez Henri et Sylvain, deux instructeurs du club de chute libre qui sont devenus des copains. Ils ont cette flamme concentrée à fleur de rétine. Vous savez qu'ils voient la même dans les vôtres.


Le bruit des pales, le sifflement du rotor, le grondement sourd des turbines, l'hélicoptère râle.


Vous avez envie de hurler. Il n'y a rien à voir au fond de votre âme, elle est là, offerte, c'est elle qui fait battre votre cœur à cent-mille.


Vas-y monte encore, va rayer ce ciel azur.


Le Silberhorn était majestueux. Une montagne massive et abrupte, portée des alpages Suisses. Chamonix était la suite logique. C'est maintenant. Là-bas, au sol, là-bas dans le creux des combes, le printemps flamboie. En face de vous, le Mont-blanc, unique, droit dans les yeux. Sa blancheur envoutante, ces falaises sombres.

Pas un galet, non, de la rocaille, des angles, des droites, comme nourris d'une constante fureur. Encore un peu, monte encore un peu, on y est presque.


Le soleil se reflète dans le casque du pilote. Vous vous sentez comme une prisonnière aux portes de la liberté.

Tout votre être le réclame.

C'est un appel qui piaffe, qui piétine, qui s'impatiente.


Vos amis se lèvent en même temps que vous, comme un seul homme, même si vous êtes la seule femme du circuit. Vous souriez, tous, de ce sourire carnassier de la vie.


Mordre la vie à pleine dents, non. Être vivante.


Vous sautez de l'hélicoptère en écartant les bras.

Vous hurlez


§10

Le temps s'arrête, le temps s'accélère. Vous volez.


Henri est devant vous. Sa combinaison rouge tendue.


Vous avez tous une petite boite à la cheville qui génère de la fumée orangée.


Le vide, le monde, petit, en dessous de vous. La vitesse. Le bruit du vent d'abord sourd et grave, grossier. Et à chaque accélération un peu plus aiguë.


Les falaises défilent.Vous maitrisez parfaitement l'énorme pression sur vos jambes, sur votre torse, sur vos bras. Une longue courbe sur la droite.


Vous avez votre vitesse de croisière. Vous sentez l'air changer avec l'altitude. Il se réchauffe. Il sent l'herbe. Vous frôlez les part-avalanches.


Vous plongez dans une combe. Les sapins et les mélèzes restent impassibles à vos fulgurances aériennes.


Devant vous Henri joue. Il est un peu plus près du sol que vous. Il pourrait presque toucher la cime des ... NOOOOOOOOOON !!!


Henri a accroché, la cîme d'un mélèze explose sous le choc. Il traverse la forêt comme un boulet dans une furie de branches cassées!


NOOOOOOON !


Son corps virevolte comme démembré, sans force, comme un mannequin mou jeté au loin.


NOOOONNN !


Vous passez au dessus de lui la fraction de seconde suivante. Ne pas se retourner. Ne pas regarder! Bordel!


NE PAS SE RETOURNER !HENRI !!!

Vous tournez la tête pour regarder derrière


§23

La force de l'air est trop forte, vous luttez.


Vous forcez sur vos cervicales pour tourner la tête. C'est trop risqué, c'est suicidaire, mais vous ne savez plus très bien ce que vous faites... Vous forcez encore.


D'un coup monstrueux, le vent s'engouffre sur le coté de votre tête, vous déséquilibre et après...


L’enchainement tragique...


Vous roulez dans les airs, ballotée.Vous vous êtes écrasée, désarticulée, dans un pré à la sortie de la foret.


Votre corps n'était que douleur.


Dans votre dernier souffle vous avez senti que votre corps n'était pas dans une position possible, et dans le flou de votre dernier regard : un brin d'herbe des alpages.


Votre accident fit les gros titres. "Accident tragique au Mont-Blanc : 3 morts"

FIN

CRÉDITS

Photo : https://pixabay.com/users/chrisrobbins950-1043022/