La narration ?
En rhétorique et en littérature, la narration a des significations différentes, la première étant la présentation des faits tels qu’ils se sont produits et servant à soutenir une cause ou à en réfuter une. Elle concerne des individus réels et est utilisée pour soutenir ou réfuter un argument.
En littérature, la narration est l’acte de rapporter en détail les actions des personnages, la longueur dépendant du genre choisi.
La narratio oratoire rend compte d’une chronologie conforme à une démonstration.
La narratio que l’on peut qualifier de « poétique » crée des événements et produit une organisation pour capter l’attention.
Les traités traditionnels de rhétorique et de poésie, ainsi que les études narratologiques, examinent les mécanismes de la narration. Les traditions théoriques anciennes et modernes ne sont pas complètement indépendantes ; elles utilisent toutes deux des objets d’étude similaires, comme l’Odyssée et la fable « Le loup et l’agneau ».
Les traités de rhétorique suggèrent trois genres de narration, l’un lié à une cause, et deux ayant un rapport indirect ou nul avec les débats publics.
La narration Oratoire
Le discours narratif possède trois qualités canoniques, à savoir « brevis » (bref), « dilucida »/ »aperta » (clair) et « probabilis »/ »veri-similis »/ »credibilis » (plausible).
Autrement dit, les récits doivent posséder trois qualités canoniques : brièveté, clarté et vraisemblance.
Les règles anciennes de la narration ont été établies et commentées par Jean Lecointe dans son article « L’agrément des faits »
La brièveté exige d’éviter les répétitions et de sélectionner les éléments qui servent la cause.
La clarté s’exprime en respectant l’ordre temporel et en évitant les digressions et en utilisant des expressions compréhensibles.
La plausibilité renvoie au caractère réalisable des événements, des motifs, des personnes et des convenances.
Une quatrième dimension, « suavitas » (l’agrément), a été ajoutée à ce trio traditionnel de la rhétorique au début du XVIIe siècle. Cette qualité désigne des inventions et des élocutions disparates.
Les Partitiones oratoriæ de Cicéron ont introduit la suavitas dans la rhétorique latine. Il a également suggéré d’inclure des faits extraordinaires tels que des renversements du destin ou des fins heureuses pour captiver. Cette prise en compte des effets de l’inventio, héritée de la Poétique d’Aristote, trouve un écho au XVIe siècle avec l’émergence du « suspense ». La narration oratoire cherche davantage à captiver le lecteur/auditeur par le plaisir plutôt que par la persuasion.
La narration Poétique
La narration poétique est une composante de la théorie poétique, de la narratologie et de la rhétorique. C’est un concept ancien et moderne qui est utilisé à la fois dans la théorie poétique et la narratologie. Elle est utilisée pour former ceux qui pratiquent le débat public, ainsi que pour préparer les étudiants aux cours de rhétorique.
Les théories anciennes s’attachaient à distinguer la narration vraie de la narration fausse, par exemple dans la Poétique d’Aristote, qui décrit comment une « image cohérente de la réalité » doit être dépeinte. Les Rhetorica ad Herennium et De Inventione introduisent la triade fabula, historia et argumentum pour distinguer les différents types de narration.
Les ouvrages ultérieurs, comme ceux de Bary et de Du Roure, ne reconnaissent eux que deux types de narrations : « fabuleuses » et « véridiques ».
Les traités de poétique réfléchissent au statut de la narration dans la poésie, héritant des notions de mimesis et de diégèse de Platon et d’Aristote.
Aristote considérait que toute forme de poésie était un type de mimésis, soit narrative (épopée), soit dramatique (théâtre).
Platon identifiait trois genres liés à la position poétique : dramatique, mode mixte, et narration assumée par le poète seul.
L’agencement narratif est étroitement lié au récit poétique et à son analyse. Aussi, la narratologie structuraliste étudie les composantes, la séquence des actions, la longueur et la structure des récits. La narratologie post-structuraliste met l’accent sur les effets d’un récit sur son lecteur.
Oui , mais la voix narrative ?
Balzac a noté la tentation de supposer que la voix narrative d’un texte est celle de son auteur.
Il a souligné la nécessité d’une distinction entre les personnages, les narrateurs et les auteurs dans les récits de fiction. Ces séparations sont logiques, psychologiques et juridiques, selon Genette (1972).
On peut identifier trois sources distinctes de narration : l’auteur biographique, l’auteur-écrivain et le narrateur.
L’étude de l’auteur biographique n’est pas considérée comme faisant partie de la narratologie.
L’auteur-écrivain crée une œuvre esthétique, notamment l’intrigue, les personnages, les thèmes, le style et le choix du narrateur.
L’intention de cet auteur « implicite » ou « fictif » ne peut être confondue avec la perspective de l’auteur biographique ou du narrateur.
L’auteur agit comme un point de fuite pour l’interprétation et le dernier horizon pour l’analyse.
Quelques types de narration
La narration à la première personne
On parle de narration à la première personne lorsque l’histoire est racontée du point de vue d’un des personnages de l’histoire. Le narrateur est généralement le protagoniste, ou le personnage principal, et le lecteur vit les événements de l’histoire à travers ses yeux.
Exemple : « Je marchais dans la forêt, perdu dans mes pensées. Le soleil s’était déjà couché et l’obscurité de la nuit commençait à s’insinuer. J’ai entendu un bruissement à proximité et je me suis arrêté dans ma course. On aurait dit qu’un animal se dirigeait vers moi, mais je n’arrivais pas à savoir ce que c’était. »
Narration à la deuxième personne
La narration à la deuxième personne consiste à raconter l’histoire du point de vue du lecteur. Le narrateur s’adresse directement au lecteur, qui vit les événements de l’histoire comme s’ils lui arrivaient à lui.
Exemple : « Lorsque vous entrez dans la pièce, vous pouvez entendre le faible son des bavardages venant de l’autre côté. À chaque pas, il devient de plus en plus fort, jusqu’à ce que vous puissiez distinguer le son des rires et des conversations. Vous tournez un coin et vous vous retrouvez dans une grande pièce remplie de gens. »
La narration à la troisième personne
On parle de narration à la troisième personne lorsque l’histoire est racontée d’un point de vue extérieur par un narrateur omniscient ou limité. Le lecteur ne vit pas directement les événements, mais les comprend à travers les descriptions et les dialogues fournis par le narrateur.
Narration limitée à la troisième personne
On parle de narration limitée à la troisième personne lorsque l’histoire est racontée du point de vue d’un personnage tiers qui ne sait que ce que sait l’un des autres personnages. Le lecteur vit les événements de l’histoire à travers les yeux de ce personnage et a accès à ses pensées et à ses sentiments.
Exemple : « John marchait dans la forêt sombre, sentant un froid dans l’air et un silence obsédant qui semblait venir de partout. Il a entendu un bruissement à proximité, mais il n’a pas pu déterminer ce que c’était exactement. Soudain, il aperçoit une silhouette du coin de l’œil : c’est un vieil homme qui se tient debout »
Narration omnisciente à la troisième personne
On parle de narration omnisciente à la troisième personne lorsque l’histoire est racontée du point de vue d’un personnage tiers qui sait tout sur tous les autres personnages. Le lecteur vit les événements de l’histoire à travers les yeux de ce personnage et a accès à ses pensées et sentiments, ainsi qu’à ceux de tous les autres personnages.
Exemple : « John marchait dans la forêt, ses pas résonnaient dans les arbres. Il sentait un froid dans l’air et avait un mauvais pressentiment. En tournant un coin, il a vu un vieil homme debout près d’un arbre, qui le regardait avec des yeux pensifs. Le vieil homme semblait savoir quelque chose que John ignorait ; il semblait pouvoir voir dans l’esprit de John et comprendre ses inquiétudes. Déstabilisé, John s’éloigne rapidement de l’étrange personnage, ne voulant pas attirer davantage l’attention. Il était loin de se douter que le vieil homme avait vu autre chose en lui : un destin qui se déroulait devant eux deux. »
La narration objective
On parle de narration objective lorsque l’histoire est racontée du point de vue d’un tiers sans révéler les pensées ou les sentiments de l’un des personnages. Le lecteur vit les événements de l’histoire comme s’il était un observateur extérieur.
Exemple : « John marchait lentement dans la forêt dense, ses pas étant assourdis par l’épais tapis de feuilles mortes. Le soleil s’était déjà couché, et tout autour de lui n’était que ténèbres, à l’exception du bruit occasionnel d’un animal bruissant dans l’ombre. »
Qu’il s’agisse de la narration à la deuxième personne ou de la narration omnisciente à la troisième personne, chaque type a ses propres avantages et peut être utilisé dans différents contextes pour améliorer l’expérience narrative. La compréhension de ces différents types de narration aidera les lecteurs à mieux apprécier les histoires, tandis que les auteurs pourront les utiliser comme des outils pour élaborer des récits captivants qui attireront leur public dans le monde qu’ils ont créé. En sachant comment utiliser efficacement les actes narratifs, la lecture de la littérature devient encore plus agréable et gratifiante qu’auparavant !