Ce guide s’adresse aux professeurs ou instituteurs désireux de créer une fiction interactive avec leurs élèves.
Nous aborderons chaque point étape par étape. Il s’agit ici de faire le tour des points fondamentaux ; ce guide comprendra plusieurs chapitres.
Commençons !
Quel est l’intérêt pédagogique ?
Au-delà des bénéfices habituels de l’écriture et de la collaboration, l’objectif fondamental d’une fiction interactive est de réfléchir à la notion de choix et de conséquences.
Les élèves seront amenés à se poser constamment la question des conséquences de leurs choix, en appliquant la logique du « si… alors… sinon ».
D’autres aspects pédagogiques peuvent être explorés en fonction du « moteur » du jeu, dont nous parlerons plus tard. En l’absence de moteur de jeu, l’exercice repose principalement sur le développement du libre-arbitre : il s’agit de permettre au lecteur de choisir et d’assumer les conséquences de ses choix.
Il est essentiel d’expliquer aux élèves l’importance de la structure narrative dès le départ. Par exemple, si chaque texte propose deux choix, le nombre de textes à écrire double à chaque étape, formant ainsi une pyramide narrative :
Ici, le lecteur fait deux choix pour atteindre une fin, mais cela nécessite l’écriture de sept textes ! Il est crucial de comprendre l’ampleur de la tâche !
C’est aussi l’occasion d’aborder le concept d’exponentiel : 1 + 2 + 2×2 + 2x2x2, etc. Et que se passe-t-il si l’on propose trois choix à chaque texte ?!
Il faut donc limiter cette expansion. Pour cela, les auteurs de fictions interactives utilisent plusieurs stratégies :
- La fin prématurée : Un choix met immédiatement fin à l’histoire. Exemple : « Toto a dépensé trop d’argent en bonbons, il n’a plus assez pour aller au cinéma. Fin. »
- Les points de passage : Tous les choix ramènent à un texte obligatoire, souvent un événement indépendant des choix du lecteur. Exemple : « Et soudain, il pleut très fort ! »
- Les branches : La narration se divise pour créer plusieurs histoires distinctes. Exemple : Si Toto a moins de 10 €, il va au texte 27, sinon au texte 22.
- Les détails : Le lecteur peut choisir d’obtenir plus d’informations. Exemple : « Toto entre dans la bibliothèque, choisit de regarder un livre, puis de l’ouvrir. Ensuite, il sort de la bibliothèque, mais il n’était pas obligé d’ouvrir le livre. »
- Les croisements : Le lecteur revient à un endroit déjà visité. Exemple : « Toto est dans un couloir et peut entrer dans différentes pièces, mais il revient toujours au couloir jusqu’à ce qu’il décide d’aller au bout du couloir (texte 3). »
Le moteur du jeu
Le moteur de jeu répond à la question : Comment gagne-t-on ?
Sans moteur, la narration devient un simple voyage littéraire, ce qui est tout à fait valable. Par exemple, vous pouvez créer une situation de départ où Toto arrive à l’entrée d’une forêt avec deux chemins. Un groupe d’élèves écrira l’histoire du chemin de droite, l’autre du chemin de gauche, avec pour consigne que le dernier choix mène à une clairière.
Voici quelques moteurs de jeu possibles :
- Les points :C’est la notion de “variable” qui peut être introduite ici. Un système de points, qui s’accumulent ou se perdent, amène inévitablement des choix conditionnés. Autrement dit, les choix seront précédés de “Si vous avez moins/plus de X points, alors vous pouvez choisir de … “De plus, il y aura nécessairement des variations des points suite à des choix :
- Soit en “payant” des choix : “Se cacher” => Texte suivant : “vous avez perdu 2 points”
- Soit en “achetant” un choix avec le coût mentionné : “Se cacher (coûte 2 points)”
- Les codes/objets :Les auteurs de fictions interactives utilisent souvent des codes pour valider que le lecteur est passé par un texte spécifique. Exemple : Quand Toto a lu le livre, on peut dire au lecteur “Notez le code LIVRE”. Puis, plus loin dans la trame, dire au lecteur “Si vous avez le code LIVRE, alors allez au texte 123”Ou, plus ludique, donner un objet : “Notez que vous avez le livre” => “Si vous avez le livre, alors … “
Des choix à faire
Le héros : Qui est-ce ? Il est très important de considérer que le choix est “Coquille vide” ou pas. Autrement dit, est-ce que le héros a des caractéristiques particulières qui doivent être prises en compte par le lecteur ? Si le héros est Toto sans autre description, tous les lecteurs peuvent s’imaginer Toto à sa guise. Par contre, si Toto est un petit chat tout mignon, mais pas très agile et très peureux, cela demande au lecteur de s’incarner.
La situation de départ : Planter le décor, l’univers. Exemple : Toto le petit chat est sur le fauteuil du salon.
L’aventure : Le mieux est que l’aventure vienne au héros. Il se passe quelque chose qui oblige le héros à choisir. Exemple : Toto entend des petits grattement près de la porte de la cave…
Les fins : Il faut permettre aux élèves d’avoir en tête la fin “heureuse”, pour ensuite imaginer tout ce qui pourrait contrarier cette fin. Exemple : Toto finit par découvrir que les grattements venaient d’une petite souris très intelligente et rapide (en s’inspirant de Speedy Gonzales) qui lui volait toutes ses croquettes.
Exemple de séquence pédagogique
- Présentation de ce qu’est une histoire dont vous êtes le héros.
- Choix du héros et de l’univers.
Toto, un petit chat peureux.
- Choix du déclencheur de l’aventure.
Des bruits de grattements et des croquettes qui disparaissent. Donc, un score de croquettes restantes : 50
- Fin heureuse.
Négociation : Toto donne des croquettes à la souris et en échange la souris ramène la balle coincée derrière le radiateur.
- Liste des obstacles, des “et si…” qui font que la fin heureuse n’est pas atteinte.
La souris sait que Toto est peureux. A chaque fois que Toto s’éloigne de sa gamelle, la souris vient lui prendre des croquettes. 0 croquettes = perdu.
- Écriture du texte 1 : présentation du héros et du contexte. Déclencheur de l’aventure. Mise en situation de plusieurs choix.
Toto est dans le couloir de la maison. Il peut aller partout pour identifier d’où vient le bruit. Tous les textes, sauf un, ramènent dans le couloir.
- Plan des points de passages de la narration.
Identifier que c’est une souris. Confronter la souris. Négocier. Fin.
Conclusion
Cet article n’est qu’un débroussaillage des points importants à considérer avant de se lancer dans l’écriture d’une histoire dont vous êtes le héros. Nous proposerons dans un autre article une trame complète et plus détaillée.