La définition de « ludique »
Qui concerne le jeu, destiné au jeu. Occupation, matériel ludique.
Des synonymes: délassant, distrayant, divertissant, récréatif.
Le jeu est un concept important de la société moderne, souvent sous-estimé ou négligé. Les activités ludiques sont celles qui impliquent une approche légère de la vie et des tâches, nous permettant d’utiliser notre imagination et notre créativité tout en nous amusant. Il peut s’agir d’enfants jouant avec des jouets et des jeux, ou d’adultes s’adonnant à des activités récréatives telles que le sport, la musique, l’art, le théâtre ou l’artisanat. Le jeu encourage l’exploration, l’expérimentation et la résolution de problèmes, ce qui peut être bénéfique tant dans notre vie personnelle que professionnelle. Il permet de développer des compétences sociales ainsi que l’intelligence émotionnelle, ce qui nous aide à mieux nous comprendre et à mieux comprendre les autres.
Les personnes qui adoptent l’esprit ludique ont tendance à être plus ouvertes d’esprit, plus flexibles et plus adaptables face à des situations inconnues. Elles sont également plus enclines à prendre des risques car elles se sentent moins limitées par la peur de l’échec ou du jugement des autres. En outre, les personnes enjouées sont souvent considérées comme plus créatives, car elles n’ont pas peur d’explorer de nouvelles idées ou de sortir des sentiers battus.
En plus d’être agréables et utiles pour acquérir des habitudes productives, les recherches ont montré que les activités ludiques présentent également de nombreux avantages pour la santé mentale. La participation à des activités ludiques a été associée à une diminution du niveau de stress, à une amélioration de l’humeur et à une augmentation de la confiance en soi. Elle peut également contribuer à réduire l’anxiété tout en favorisant la relaxation.
Différentes définition du « jeu » existent :
- Pour Baldwin : « Activité autotélique s’opposant au travail, où la fin est extérieure à l’activité »
- Pour Groos : « Activité autotélique mais préparant l’enfant au travail de l’homme »
- Pour Janet : « Activité inférieure, non adaptée au réel comme l’est le travail »
- Pour St Hall : « Activité consistant dans la reproduction d’actions actuellement inutiles, mais qui, dans le passé de l’histoire de l’humanité, ont été des travaux. »
- Pour Buhler, Sarr et Clapared : « Activité mettant en jeu une fonction sans qu’une fin particulière soit poursuivie et permettant à l’enfant de réaliser son moi quand il ne peut le faire par une activité sérieuse. »
- Pour Huizinga : « Sous l’angle de la forme, action libre sentie comme fictive et située en dehors de la vie courante, capable d’absorber totalement le joueur. Une action dénuée de tout intérêt matériel et de toute utilité, qui s’accomplit dans un temps et dans un espace expressément circonscrits, qui se déroule avec ordre, selon des règles données, et qui suscite dans la vie des relations de groupe, s’entourant volontiers de mystère ou accentuant par le « déguisement » leur étrangeté vis à vis du monde habituel. »
- Pour Caillois (1965) : le jeu est une activité libre, séparée, incertaine, improductive et régie par des règles.
- Nicole De Grandmond (1995) décrit le jeu comme un acte total impliquant tout l’être ; une action libre ; une activité incertaine dépendant de la fantaisie du joueur ; spontanée sans règles préétablies et faisant appel à la motivation intrinsèque.
- Gilles Brougère (2005) identifie cinq critères pour définir le jeu : une fiction réelle avec une métacommunication qui y participe sérieusement ; la décision d’entrer dans le jeu prise par les joueurs ; des structures de règles acceptées collectivement ; la frivolité du jeu ; l’invitation à de nouvelles expériences sans évaluation des risques ; l’incertitude ; le moteur qui fait qu’il n’y a jamais deux jeux semblables.
Différents types de jeux
Les jeux peuvent être divisés en trois catégories principales : les jeux d’exercice, les jeux symboliques et les jeux de construction/règles.
Les jeux d’exercice sont prédominants au cours du développement et procurent un plaisir fonctionnel à connaître la cause d’un événement. Ils sont les seuls à exister chez les nourrissons et procurent un plaisir fonctionnel.
Le jeu symbolique est à son apogée entre 2 et 6 ans, où des objets réels et imaginaires servent de support à des activités de simulation.
Les jeux de construction/règles commencent à devenir plus fréquents à partir de 6 ans ; ils impliquent la découverte de la réalité ou la transmission sociale avec les autres par un engagement coopératif, comme les jeux de société ou de cartes, la marelle, les sports etc.
Les fonctions de l’activité ludique
Jean Piaget et Bärbel Inhelder considèrent le jeu comme une activité essentielle à l’équilibre affectif et intellectuel de l’enfant, et non comme une activité d’adaptation à la réalité.
Selon Piaget, l’évolution du jeu avec l’âge suit l’évolution intellectuelle. Les jeux d’exercice sont des schémas sensori-moteurs alors que les jeux symboliques reflètent l’égocentrisme en période préopératoire. Pour Piaget, le symbolisme ludique est également un processus utilisé par les enfants pour décharger les tensions ou liquider les conflits.
D’autres psychologues pensent que le jeu a des aspects d’intégration sociale/de socialisation qui varient en fonction de la culture et des périodes historiques ; les garçons ont tendance à avoir le monopole des activités exigeant de la vigueur et des compétences physiques, même si, petit à petit, les filles ont adopté la plupart des activités auparavant réservées aux garçons.
De notre point de vue, nous retiendrons qu’a minima l’activité ludique, le jeu, est :
- Agréable
- Une activité gratuite dans le sens « non-obligatoire »
- « Pour de faux »
Car de ces 3 piliers découlent toutes les difficultés de la ludification.
La ludification
La ludification pose la question de rendre agréable quelque chose qui ne l’est pas. C’est le défi des « serious game », « learning game » et de l’ensemble des « jeux pédagogiques » : transformer en « joueur » un « apprenant » de sorte que la volonté nécessaire à « apprendre » ne soit pas mise en échec par l’effort désagréable de l’apprentissage.
La gamification est l’application d’éléments de conception de jeux et de principes de jeu dans des contextes non ludiques. Elle est utilisée pour motiver et engager les gens dans des activités qui les aident à atteindre les objectifs souhaités. La gamification implique généralement des récompenses, des points, des niveaux, des défis et des badges qui sont conçus pour encourager la réussite et favoriser la motivation. Elle peut être utilisée à des fins diverses, telles que la formation, l’éducation, le marketing, l’engagement envers les produits, l’engagement des employés, les programmes de fidélisation des clients, etc. Grâce aux techniques de gamification, les activités peuvent devenir plus amusantes, gratifiantes et engageantes en créant un environnement qui encourage l’exploration et l’apprentissage tout en réduisant l’ennui et la frustration. Les expériences de gamification stimulent également la rétention et la mémorisation, car elles associent le comportement de l’utilisateur à des résultats positifs qui favorisent la motivation et la progression. En plus de procurer un sentiment d’accomplissement lorsque les utilisateurs atteignent leurs objectifs, les expériences de gamification peuvent également donner aux utilisateurs un sens accru de l’objectif lorsqu’ils progressent à travers les niveaux ou les défis qui ont une signification au-delà de gagner ou de perdre un jeu. Il a été démontré que la gamification améliore l’engagement des utilisateurs en créant des liens significatifs entre les actions des utilisateurs et les récompenses tangibles associées à la réussite des tâches ou des objectifs.
La vraie question pour les auteurs : Le jeu peut-il être sérieux ?
Le jeu par opposition au travail
Le jeu est une activité auto-initiée, libre et plaisante, alors que le travail, lui, même s’il peut-être agréable, reste une activité « obligatoire ». Le jeu ne dépend pas de stimuli ou de renforcements externes pour se poursuivre, il est sur la seule initiative du joueur. Autrement dit, le jeu est une activité qui est déclenchée par une motivation et un plaisir internes, plutôt que par des stimuli ou des renforcements externes. Il ne se produit que lorsque les besoins fondamentaux sont satisfaits sans aucune contrainte.
La structure contraignante du jeu peut varier considérablement selon les individus et les cultures, mais elle est librement acceptée ou élaborée. La structure du jeu peut varier considérablement d’un individu à l’autre et d’une culture à l’autre. Selon Michel Hurtig, il s’agit d’une « transposition de la réalité » sans le but de la transformer d’une quelconque manière.
Divertir vs Apprendre
« si l’on regarde la définition de sérieux telle que proposée par un dictionnaire (Le Robert), le premier sens est le suivant: “Qui ne peut prêter à rire ou être estimé sans conséquence”. Un jeu sérieux est un jeu qui a des conséquences (ou soyons plus réaliste dont on espère qu’il ait des conséquences). Il y a alors deux façons de considérer le jeu sérieux, ce n’est pas un jeu car un des critères, la frivolité ou l’absence de conséquence, est absent, ou bien c’est un jeu car ce critère est relatif. » (Le jeu peut-il être sérieux? Revisiter Jouer/Apprendre en temps de serious game – G.Bougère)
Les jeux sérieux se caractérisent par un univers de second degré, de mécanismes et de procédures de décision. Il existe une tension entre la logique du jeu (gameplay) et la logique d’apprentissage ou de référence dans les serious games. Le point de départ du développement des serious games est l’identification d’un objectif qui peut être valorisé par la ludification.
Cette tension entre divertissement et sérieux structure de nombreux serious games, soulignant la nécessité de prendre en compte la simulation par rapport à l’intérêt ludique lors de leur analyse.
Tout l’équilibre se situe entre « c’est pour de faux » (frivolité) et « c’est pour de vrai » (sérieux)
Mais c’est quoi le risque ?
Rage quit…
Le joueur abandonne. Si le jeu, par son sérieux, détruit la notion même de « ludique » et brise l’immersion, ou même la possibilité d’immersion, le jeu s’arrête.
L’activité ludique ne persiste que par la bonne volonté du joueur ou des joueurs, elle peut se terminer à tout moment du fait de la « gratuité » inhérente au jeu.
A partir du moment où l’activité devient obligatoire ou « non-agréable » , il y a un risque de rupture.
Et dans l’écriture de récits interactifs ?
Rendre les choix ludiques, gamifier votre récit, est un vrai challenge. Il faut que cela reste absolument « agréable » et/ou « gratuit ». Beaucoup de récits proposent l’aspect « ludique » comme des mini-jeux sans conséquences sur la narration, comme des entre-actes de divertissement. D’autres proposent des combats ou des énigmes, c’est-à-dire la réunion d’éléments pour débloquer la suite de la narration, ou des chemins de narration.
Amener le « ludique » dans un récit, c’est transformer le lecteur en joueur.
Ce n’est pas anodin : Cela implique des règles de jeu, la compréhension des règles, l’acceptation des règles. Beaucoup d’auteurs de récits interactifs passent énormément de temps à peaufiner des règles de jeu…
Le lecteur veut lire/poursuivre une histoire, le joueur ne veut rien, il a envie de jouer, de continuer à jouer.
Amener le « sérieux » dans le jeu, c’est transformer le joueur en apprenant, en élève.
Ce n’est pas anodin : C’est ramener le réel dans la fiction, c’est remplacer le « pour de faux », c’est donner des conséquences aux choix là où il ne devait pas y en avoir, par définition. C’est prévoir un débriefing des erreurs, une évaluation de la performance.
Amener le « sérieux » dans le récit sans passer par le ludique, c’est transformer le lecteur en élève.
Cela revient à faire un récit de simulation, car alors le réel remplace la fiction.
Étrangement, cela peu s’avérer particulièrement ludique …
Quelques réflexions …
« La maîtresse nous a fait jouer à… »
« Notre manager nous a demandé de jouer à… »
« Les jeux Otome sont des jeux de drague pour les filles »
« Cette partie de scrabble me casse les … j’arrête. »
« J’ai passé (triché) tous les combats pour aller jusqu’au bout de l’histoire »
etc.
Bonnes perplexités …